Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Jean-Marie Laberge
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 6 juin 2015

Nombreux s’y tromperont, croyant côtoyer un fleuve tranquille alors que sa véritable nature est toute en mouvance. Beaucoup verront un homme discret là où palpite un cœur dévoré par une passion jamais démentie en 50 ans de carrière. Sous les traits d’ascète de Jean-Marie Laberge, vibre un être mu par une quête intemporelle dont il ne soupçonne pas lui-même l’importance. Peintre, portraitiste, graveur et sculpteur, il n’a de cesse de traquer la sincérité du vu pour en dire le perçu d’une vérité plus profonde.

Au commencement était Chicoutimi, lieu de sa naissance le 12 mars 1933 et de son existence, non sans avoir préalablement exploré quelques continents. Orphelin de mère à 17 ans, ses études chez les frères Maristes de Lévis se concluent par un engagement de 20 ans, comme frère enseignant et missionnaire au Malawi. Jean-Marie Laberge peut être volubile sur ses œuvres et fort discret sur sa vie privée. Et pourtant, il n’a de cesse de rendre hommage à la compagne de sa vie depuis 1970, Marguerite Lapointe, sa confidente, sa conseillère dont l’avis semble essentiel quand il s’agit de donner son aval à une démarche artistique. Aîné d’une fratrie de cinq enfants, il sera lui-même père de deux fils et de deux filles, en deuil depuis plus de 40 ans d’un petit garçon qui lui a inspiré ce monument érigé au cimetière Saint-François-Xavier, L’ange et l’enfant.

Ainsi va sa vie. Tout semble se traduire par la création d’une peinture, d’une gravure, d’une sculpture, des disciplines apprises dans sa prime jeunesse : il sculpte ses filles à 3 et 5 ans, sa ballerine Annie, son grand-père, les personnalités de sa région. L’enseignement des arts s’inscrit dans sa démarche. D’abord un brevet, suivi d’un baccalauréat en Arts de l’Université de Montréal, qu’il parfait à l’École des Grands Maîtres de Paris de 1960 à 64, puis au John Cass College de Londres avec Percy Horton, suivi d’une maîtrise en Arts plastiques avec majeure en sculpture à Washington D.C. en 1968. Cette même année, il quitte la communauté des Frères maristes afin de se donner librement à son art. Finalement, il complète sa formation à l’Université du Québec à Chicoutimi et à l’école d’art Bristol en Angleterre.

Jumelant l’enseignement des arts plastiques et la création artistique, Jean-Marie Laberge mène de front ses engagements de père, d’enseignant et de créateur. Comme trois vies en parallèle et pourtant entrecroisées. Il s’inscrit dans la vie culturelle de sa région par une présence active, persistante. Son atelier est son champ de bataille, ce qui n’exclut pas quelques éclats médiatiques alors qu’il revendique une place au soleil pour toutes les disciplines et les styles. Il ose remettre en question la procédure des concours de l’intégration de l’art à l’architecture et à l’environnement qui favorise, dénonce-t-il, l’art abstrait et les candidatures des universitaires, semblant fermer la porte aux autodidactes et aux figuratifs. Il monte au front contre les politiques régionaux, notamment dans le cas du centre giratoire de la rue Jacques-Cartier et boulevard Talbot. Pas étonnant qu’il se retrouve parmi les membres fondateurs de La Maestria, créée pour défendre la cause des « laissés pour compte » des lieux de diffusions en arts visuels. Un combat appuyé par l’historienne Russel-Aurore Bouchard, lui adressant une lettre d’opinion, dont cet extrait : «On a oublié, ici comme ailleurs, que l'art est une rébellion en soi, un refus de se soumettre à l'ordre du temps, une prise en charge de la pensée individuelle censée projeter et stimuler l'avenir du groupe...»

Jean-Marie Laberge a participé à de nombreuses expositions partout dans le monde. Ses œuvres figurent en bonne place dans diverses collections publiques, dont celles de Rio Tinto Alcan, Bombardier, CGI, Hydro-Québec, Loto-Québec et Air Transat et d'autres aux États-Unis, France, Angleterre, Australie, Japon et Mexique. Plusieurs fois boursier du ministère de la Culture, des prix et honneurs soulignent la qualité de son art : Premier prix du Commonwealth décerné en Australie en 1964, Premier prix — Sculpture — Rencontre XI — Saint-Jean-sur-Richelieu, Médaille d'or Gala CAPSQ ainsi qu’à l’Académia XXI de AIBAQ — Sculpture à Montréal de 2000 à 2006 et le Prix Sculptura d'or Academia en 2007.

Grand maître-académicien de l’Académie internationale des Beaux arts du Québec, membre de la Société du portrait du Canada fondée en 2001 à Toronto ainsi que du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec, le sculpteur a mis son talent au service de notre mémoire, réalisant avec brio les bustes de plusieurs bâtisseurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Sous forme de monument ou de bronzes, il a taillé notre histoire sous les traits du fondateur de Laterrière, le Père Honorat; du créateur de la Fabuleuse histoire d’un royaume, Ghislain Bouchard; de la fondatrice des Sœurs du Bon-Conseil, Mère Françoise Simard; de la fondatrice du Festival de musique du Royaume Gabrielle Gaudreault et de bien d’autres.

En novembre 2014, La Maestria présentait une imposante rétrospective de 50 ans de carrière de ce peintre, portraitiste, graveur et sculpteur. La somme d’une vie. Le bilan d’une démarche artistique démontrant une technique au service d’une vision faisant fi du conformisme, puisant aux différents langages picturaux, tout cela en explorant la diversité des matériaux, même si le bronze et l’aluminium moulent ses plus belles créations.

Toute la magie de son art réside dans cette habilité à modeler une vision, intense dans l’expression et pourtant si épurée qu’elle captive au premier regard. Il saisit toute la grâce d’une volée d’outardes (L’envol), la séduction émouvante de la démarche singulière des empereurs de l’Arctique (L’heure du bain) ou l’intensité du doigté musical (Le pianiste). Il s’empare du geste musical d’un concertiste, occultant le corps du musicien pour n’en tailler que les membres essentiels, les mains ou une partie d’un visage, suggérant plutôt que de représenter afin de donner corps à la seule musique.

Ainsi va son art qui s’insinue avec bonheur dans de nombreuses collections au-delà de nos frontières, faisant du discret Chicoutimien un ambassadeur de notre richesse artistique.


Le 6 juin 2015
Jean-Marie Laberge

Peintre, portraitiste, graveur et sculpteur
Pour son rayonnement au-delà de nos frontières
fut reçu membre de l’Ordre du Bleuet

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lundi 22 juin 2015

JEAN-MARIE LABERGE SUR VIDÉO AU GALA 2015 DE L'ORDRE DU BLEUET


JEAN-MARIE LABERGE


Quelques minutes pour se souvenir
d'un grand moment

Gala 2015 de l'Ordre du Bleuet






Réalisation Ariel Laforge
Texte Christiane Laforge
Lecteur Christian Ouellet




Bonjour Christiane, 

Whooo!  Ce texte de présentation sur l'ensemble de ma carrière est d'une telle  perfection que je n'aurais jamais pu espérer mieux. 

Je l'ai bien écouté  samedi soir mais, un peu distrait  par les photos et ému part la présence de tant d'invités,  je n'en ai pas saisi toute la richesse.

C'est un texte complet sur ma carrière. J'aurais moi-même  été porté à estomper ou à glisser rapidement sur la première partie de ma vie mais, le résultat eût été moins complet. 

Ce fut une soirée tellement  extraordinaire  et parfaite à tous points de vue. 

Marguerite a bien aimé  ton mot de la fin... qu'elle a trouvé trop court. Elle m'a dit: " Quelle voix! Je l'écouterais pendant des heures".  
  
Crois bien, chère Christiane,  que je suis très reconnaissant  pour tes interventions en ma faveur à date.  Savoir que tu aimes mes créations est pour moi un honneur et un encouragement à aller de l'avant vers des sommets encore plus élevés.  La vie d'artiste comporte bien des déceptions  mais, pouvoir vivre,  ne  fut-ce qu'une fois,  un tel bonheur et une telle reconnaissance  publique  restera gravé à jamais  dans ma mémoire. 

Amicalement, 


Jean-Marie  O B

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.